Tome 2 Défaire les murs et aller

Et voici ce que Zeidr peut nous dire : « née dans une lignée de sages-femmes et guérisseuses, j’ai grandi dans l’apprentissage du corps, du corps humain et de celui de la Terre, de ses saisons, ses minéraux, ses éléments, ses créatures végétales et animales ; mon horizon et ma tâche étaient de parfaire ma connaissance et mon savoir-faire ; mais une grande ombre croissait tout autour, les religions, les politiques et les corruptions semblaient gagner en pouvoir ; nous avions l’habitude de prier, à notre manière, c’était plutôt une prière à la grande Mère, que nous gardions secrète et, comme sans m’en rendre compte, je suis devenue consciente d’une réponse silencieuse qui descendait dans mon être, invisible, inexplicable, presque immobile, mais sûre et puissante et il m’est bientôt apparu comme une évidence que nous devions nous enfuir, échapper à ce milieu, avec la confiance que nous serions menés en sécurité ; l’opportunité s’est présen tée, ma mère, mon compagnon et ma fille avons pu migrer ; plus tard le besoin a grandi dans mon cœur de marcher seule et de découvrir comment servir cette présence souveraine, libre de toute étiquette, de toute dénomination comme de toute appartenance, et je me suis d’abord assurée que ma fille serait libre de choisir son chemin, son propre chemin dans ce monde, sans dettes ni obligations, mon compagnon a compris et accepté, lui aussi apprenait à sentir son propre appel ; et depuis, c’est cette densité de présence au-dedans et au- dessus qui m’a, sans mots ni pensées, soutenue dans mon cheminement et ma participation à l’ouverture de ce monde… » Alors, voici Martin : « ma famille était une famille ordinaire, mes parents des petits commerçants, qui voulaient bien faire et que leurs trois enfants soient bien éduqués ; j’étais le cadet et le cancre ; la seule chose qui m’intéressait ou motivait, c’était d’apprendre avec mon corps, et aussi j’aimais la poésie, parfois ; alors je me tournais vers les choses pratiques, les métiers, les inventions matérielles que je pouvais comprendre et appliquer et il y avait aussi cette envie de rêver, de décoller, les deux à la fois, vous voyez, et donc je n’arrivais guère à

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