Tome 2 Défaire les murs et aller

n’y avait plus de chagrin mais il y avait à la place quelque chose qui aime librement, et là j’ai senti comme s’il y avait un axe vertical de communication, avec quelque chose à la fois sans limites et plein , rempli d’amour qui voit et qui sait ; et depuis cet instant, je n’ai plus peur de rien, je sais que je peux rejoindre cet état à tout moment et quoiqu’il arrive, et sentir alors le mouvement nécessaire, c’est comme un guide… » (Il faut signaler ici que, dans notre présentation, alors que tous jusqu’à ce moment portaient des vêtements ordinaires, soit ceux qu’ils avaient sortis de leurs sacs , soit c eux qu’ils avaient confectionnés avec les moyens du bord, lorsque chacun d’eux prend la parole devant la flamme centrale, on s’aperçoit que son vêtement est unique, et en même temps que tous les vêtements qui se révèlent l’un après l’autre, sont chacun d’une teinte particulière de gris, d’un gris plutôt clair, lumineux, très calme, et d’une coupe qui sied au por teur, qui l’exprime.) Quant à Cleïm, qui, lui est l’aîné de tous, il leur a raconté – enfin, résumé – cet accompagnement au travers des situations et des années : « quand j’étais gosse déjà, je sentais dans mon corps comme une force qui tirait et veillait, un peu comme un aimant et une sonde à la fois, c’était familier et rassurant et c’était mon secret, mon refuge ; peu à peu, c’est devenu comme une masse silencieuse, toujours présente mais jamais mélangée à ce qui se passait dans ma vie, comme une sorte de témoin au-dessus qui, pourtant, tout à coup, se faisait sentir, une pression qui était comme un avertissement ou un rappel ou un ralliement nécessaire ; puis, à mesure que je comprenais mieux la nature, la complexité de la nature et les sources des con flits et des misères, j’apprenais à me réaligner sous cette charge muette qui présidait à tout mon être, sans jamais s’imposer ; puis j’ai compris que, là, était la conscience – conscience et force en même temps – et que cette vie corporelle était un champ de progrès où l’on apprend la vie véritable, avec le corps, avec la conscience qui est partout invisible dans nos corps comme dans tout ce qui est ; et cet axe est devenu dans mon existence la preuve et l’expression de la réalité, de la vraie réalité, et

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