Tome 2 Défaire les murs et aller

La même femme alors se tint debout à la tête de son lit et, d’une voix claire et mélodieuse, ferme, directe, annonça qu’elle avait constaté qu’il y avait tout ce qu’il fallait dans la pièce cuisine pour faire une bonne soupe nourrissante pour tous, et si deux ou trois voulaient bien l’accompagner et s’occuper de préparer les fagots pour démarrer l’un des fourneaux et se charger de la taille de s échalotes, elle pensait pouvoir emplir une grande marmite d’une soupe bien riche de lentilles et de pois, bien assaisonnée et, si d’autres voulaient alors rassembler assez de couverts, on pourrait alors décider du site de ce premier repas – à son avis, ce serait plus confortable, ce premier soir, de tout amener dans leur salle commune… Il fallut un moment pour franchir l’étonnement et assimiler la portée pratique de ses paroles, puis tous firent savoir leur contentement et plusieurs se levèrent pour la suivre. Mais deux d’entre eux hésitèrent à la porte, revinrent sur leurs pas et placèrent leur sac au milieu de leur lit pour pouvoir le reconnaître. Une femme au teint d’ivoire et portant une lourde tresse argentée, se mit alors à fouiller son propre sac et posa à côté d’elle une grande boîte plate transparente contenant de gros crayons de couleur ; l’observant, deux des adolescents, un garçon trapu et une jeune fille aux cheveux de jais, sortirent de leurs sacs, lui de la ficelle et elle des fiches de carton gris clair et les trois se regardèrent presque en riant : on pourrait chacun écrire son nom sur une carte et l’attacher au montant du lit. Plusieurs autres s’approchèrent et s’assirent ensemble sur le sol pour percer les cartes et enfiler de la ficelle, puis, quand vingt-neuf cartes furent prêtes ils les attachèrent soigneusement au pied de chaque lit ; il fut lors entendu que l’on attendrait le retour de ceux qui s’occupaient du souper. Tous ces sacs étaient d’aspect varié, évidemment familier à chacun.

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