Tome 2 Défaire les murs et aller

(Dans notre spectacle, cependant, dansé et mimé, il n’y a pas de lits ni de murs, l’histoire est décrite par une voix qui la lit. Tandis qu’elle est lue, différents tableaux sont présentés, brièvement, animés par un, deux, plusieurs, ou de nombreux protagonistes et seuls l’éclairage et ses couleurs, les vêtements et habits et les sons et accompagn ements musicaux varient d’un tableau à l’autre ou d’une suite à une autre. Parfois, le conte est lu dans l’obscurité, ou seulement illuminé par les flammes des petites lampes à huile, qui sont les seuls objets utilisés avec les guirlandes, racines et autres compositions éphémères.) Quand tous eurent considéré cette nouvelle situation qui était née de leur rencontre – et non plus d’une mystérieuse incompréhensible intervention -, les souffles s’apaisèrent et les postures se détendirent ; une femme au teint bistre, à la très longue et abondante chevelure noire, un peu corpulente mais très légère et rapide, fit un signe de ses mains jointes, se retourna et sortit de la pièce ; tous sentirent qu’elle ramènerait quelque chose dont ils avaient besoin. Après quelques moments durant lesquels chacun tenta à sa manière de se situer, cette femme revint avec une haute lampe à huile, peut-être de bronze, qu’elle plaça juste au milieu du cercle intérieur et, après avoir joint ses mains et salué toutes les directions, alluma ; ce fut un grand soupir unanime, suivi d’un recueillement spontané. Certains, surtout parmi les adolescents, s’appuyèrent au dossier de leur lit ou s’allongèrent de côté et tournés vers la flamme, la nuit devenait plus tangible aux fenêtres ; l’on pouvait juste distinguer quelques cris d’oiseaux, rien d’autre. Une femme un peu rousse, assez pâle de peau mais forte d’allure, s’était assise au pied de son lit et avait compté : vingt-neuf, ils étaient vingt-neuf. L’on pouvait remarquer, dans un angle de l a salle, quelques lits encastrés les uns sur les autres – auraient-ils dû être plus nombreux ? Aucun d’eux cependant n’était enclin à telle sorte de réflexion, car chacun sentait que, quelque soit sa durée ou même sa cause extérieure, cette expérience qu’i ls vivaient à présent se devait d’être abordée dans le silence de la pensée et le respect de ce qu’elle offrirait.

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