Tome 2 Défaire les murs et aller

plus harmonieuse. Mais il ne faudrait pas vouloir hâter le changement, qui ne peut advenir que comme conséquence d’un établissement intégral. Enfin, je pérore doctement, mais il y a une foi spontanée dans la venue d’un état qui justifiera – et dissoudra – toutes nos peines, nos tromperies, nos déceptions, comme tous nos désirs jamais assouvis, révélant leur source pleinement lumineuse. Je suis supposément trop « vieille » déjà pour me préoccuper de ces domaines, et nous rions souvent, toi et moi, de notre commune persistance, mais… n’est -ce pas le même feu toujours, à tous les niveaux et degrés, qui doit seulement être purifié et rendu conscient ? Mais alors, ce qui nous a tous beaucoup amusés, un peu plus tard lorsque nous étions à la table commune, c’est que nous avons réalisé, après quelques remarques spontanées, que chacun de nous avait éprouvé une sorte d’acuité heureuse, d’intensité rythmique de nature sexuelle, mais sans objet, comme une participation joyeuse des énergies dans cette cavalcade sonore du petit matin ! Ce n’est pourtant que cet après -midi, en allant ensemble au ravitaillement – comme il faisait plutôt froid, nous marchions vite en poussant le chariot – que S émion s’est mis à chanter, sa manière de partager une libération qu’il a éprouvée, une dernière part d’absence qui s’est livrée ; il chantait en marchant, reprenant les rythmes du matin, et tout son corps était animé de joie tranquille, d’une circulation sans obstacles… il chantait sans mots, des sons qui se tenaient, des sons de silence communiquant, avec un rire dans ses yeux, une tendresse reconnaissante…

De retour et après avoir tout rangé et porté ce qu’il nous faut dans la grande cuisine pour notre r epas du soir (c’est le tour de

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