Tome 2 Défaire les murs et aller

Douzième mercredi

Quand les enfants sont arrivés ce matin, nous étions déjà presque tous sur le triangle, où Gomat, Jen et Jul avaient préparé une nouvelle course d’obstacles, à laquelle ils avaient ajouté un élément inédit, dont ils nous ont fait la surprise (enfin, une surprise pour la plupart d’entre nous, mais pas tous, puisque Fran, Le Mont, Chardon et L’Archer avaient discrètement assemblé les montants et les étoffes) : chacun était invité à choisir un drapeau de couleur enfilé sur un bâton de trois pieds, le tenir durant toute la course et le placer ensuite au bord de la falaise, le long du parapet de pierres, fiché dans le sol à intervalles de trois pieds également. Ce n’est pas la première fois que nous faisons une course d’obstacles au petit matin, mais c’est la première fois que nous le faisons avec les enfants et tous ensemble, tous âges confondus, et que cette course est porteuse d’un thème : l’offrande du signe individuel, au travers des péripéties de l’existence matérielle, devant l’Infini, tous les signes égaux, tous les signes uniques, tous les signes debout devant l’Un… Eh bien, cela a été pour moi à la fois l’occasion d’un fâche ux retour sur soi, et d’une rude leçon de résilience… Heureusement, nous avons tous appris ici à ne jamais tricher ni prétendre ni dissimuler et, ainsi, aucun de nous ne s’est senti humilié d’être diminué ou amoindri ou ralenti ou incapacité d’une manière quelconque, et nous avons couru tous ensemble, sans nous observer puisque l’effort physique même était très absorbant, mais l’on était quand même conscient des retards et des trébuchements et des haltes forcées, tout en admirant la légèreté et la promptitude innocentes des corps adolescents ;

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