Tome 2 Défaire les murs et aller

Douzième mardi

Bon, une nouvelle journée commence sur la presqu’île et me voici affligée d’un nouveau problème pratique : hier soir j’ai rédigé ce préambule, cette introduction à notre conte, c’était facile, puisque nous l’avons conçu ensemble, tous ensemble, et le porto ns chacun de jour en jour ; mais ensuite il ne s’agit pas de quelques pages, ce sont beaucoup de notes que je vais devoir articuler et toute une harmonie qu’il va me falloir identifier, tâcher de convier, et alors comment vais-je avoir le temps de poursuivre cette chronique et d’écrire ce conte et de m’occuper de mes élèves et de vaquer à mes tâches habituelles et, et… en fait, c’est une espèce de crainte qui m’a saisie, la crainte de ne plus être suffisamment à l’écoute du progrès de chaque instant, d’être trop absorbée, ou distanciée… Mais, bon, j’ai calculé, combien de temps avons -nous avant que la période d’essai avec les « petits » ne s’achève et nous offrions ensemble ce « spectacle » ? Et, ce faisant, j’ai été plutôt ahurie : car le « temps » de notre expérience ensemble, le temps déjà écoulé, semble absurdement court par rapport au sentiment intérieur que l’on en a, que chacun de nous, j’en suis sûre, autant les enfants que les adultes, en a ; et c’est important, cela montre que la valeur du temps est donnée par la qualité et la nature de l’expérience vivante : une seule journée peut avoir la valeur d’une vie entière et l’on peut vivre des années vides de sens et de portée. En fait, donc, j’ai près de six semaines pour faire ce « travail » et m’y appliquer, sans m’inquiéter. Et, en plus, c’est toujours un projet en cours, qui continue d’évoluer, l’écriture du récit n’en est qu’une part, qui se doit de lui être fidèle mais peut aussi progresser.

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