Tome 2 Défaire les murs et aller

sa volonté sur la matière ; c’est comme une sorte d’ivresse qui s’est emparée d’une certaine proportion de l’humanité (incluant aussi bien des penseurs et théoriciens, des technocrates et des financiers, des aventuriers et des idéalistes, des industriels et des gens de science) à mesure que certaines avancées technologiques et applications pratiques de découvertes pointues dans plusieurs domaines de recherche soutenue, lui permettent de s’ engager sans aucune réflexion profonde dans un développement désinhibé de la puissance matérielle qui lui semble devenir accessible ; ce qu’ils veulent tous, ces complices d’une fuite en avant désastreuse, ce qu’ils veulent tous ignorer, ou dissimulent sciemment, est que l’obtention de ces pouvoirs de contrôle et de co mmande sur la matière ne peut se faire qu’au prix de l’individualité consciente de chaque être, de l’abandon de son indépendance et de sa liberté de choix, puisque nul ne pourra exercer ce contrôle sans être soi-même entièrement contrôlé par un système qui , finalement, est l’équivalent d’une mort vivante, d’une aliénation irrémédiable de la dimension intérieure, de l’appartenance essentielle de chaque être à l’infini. Tous deux, Gan et Gaur, relèvent chaque jour les signes et les marques d’une usurpation croissante de cela même qui fondait toute recherche scientifique : la soif de connaissance, la découverte progressive des lois et des procédés de l’univers. Ce n’est pas que ce message soit inattendu, nous voyons bien depuis longtemps comment s’installent de plus en plus ouvertement dans le monde et ses sociétés cette étrange frénésie, cette hypnose intrusive, cette persuasion envahissante qui formatte les comportements et annule le sens du progrès de la conscience au profit d’un progrès conditionnel extéri eur ; mais c’est la rapidité croissante de la mise en place et de l’imposition de toutes les mesures et de tous les instruments nécessaires à

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