Questions et méditations

-1- Le rôle de l’horreur

Un jour de 1966, Mère fit la réflexion que … « nous savons que les forces adverses sont pour ainsi dire autorisées à travailler – justement par le sentiment de l’horreur -, pour hâter l’éveil de la conscience… » « Je sais maintenant, je me souviens, toute cette expérience est venue après avoir vu un livre qui a été publié dans l'Inde tout récemment, en anglais, et qu'ils ont appelé The Roll of Honour, où il y a la photo et une petite biographie de tous ceux qui sont morts dans la lutte contre les Anglais, pour la liberté de l'Inde. Il y avait des photos partout, beaucoup de photographies (certaines étaient seulement la photographie que la police avait prise quand ils venaient d'être tués et qu'ils étaient allongés par terre), et tout cela a apporté une certaine atmosphère: l'atmosphère de ces bonnes volontés désintéressées qui rencontrent un destin tragique. Cela m'a fait un effet analogue à l'effet produit par les photographies sur les horreurs des Allemands pendant la guerre là-bas. Il est évident que ces choses sont directement sous l'influence de certaines forces adverses, mais nous savons que les forces adverses sont pour ainsi dire autorisées à travailler – justement par le sentiment de l'horreur –, pour hâter l'éveil de la conscience. Et alors, cette expérience-là, qui a été très forte, qui ressemblait beaucoup à celle que j'ai eue quand j'ai vu les photographies des atrocités allemandes en France, m'a mise en rapport avec la vision de l'erreur humaine, terrestre, moderne (c'est moderne: ça a commencé depuis ces derniers mille ans et ça devient de plus en plus aigu dans la dernière centaine d'années), avec l'aspiration pour contrebalancer cela: comment faire?... quoi faire?... Et la réponse: «C'est pour cela que tu as créé Auroville.» C'est une perception des forces – des forces qui agissent directement dans les événements, les événements matériels, qui sont... illusoires et mensongers; par exemple, l'homme qui a lutté pour la liberté de son pays, qui vient d'être assassiné là parce que c'est un révolté, et qui a l'air d'un vaincu, couché sur le parapet de la route: c'est lui, le victorieux. C'est cela, ça montre bien le genre de relation entre la vérité et l'expression. Alors, si l'on entre dans cette conscience où l'on perçoit le jeu des forces et que l'on voie le monde comme cela, c'est très intéressant; et c'est comme cela, quand j'étais dans cet état-là, qu'il m'a été dit, montré clairement (c'est inexprimable parce que ce n'est pas avec des mots, mais ce sont des faits): «C'est pour cela que tu as créé Auroville...» C'est la même chose que pour cette photo 1 . Voilà, tu gardes ça. » (Extrait de l’Agenda de Mère, enregistré par Satprem et Sujata)

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L’horreur…

Le sentiment que l’on éprouve lorsque l’on est confronté à la manifestation de volontés, d’intentions et de motivations qui semblent contraires au sens même de notre humanité, le trahissent, le bafouent, le menacent et lui portent atteinte… Ce sentiment que l’on ressent devant la torture infligée aux braves, aux héros, aux révoltés, devant l’assassinat de ceux qui ont le courage de garder la dignité d’être humain…

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