Lettres à Divakar jusqu'à 2005

des interrogations de la DST qui n’hésitaient pas à pénétrer notre habitation à leur gré. Elle s’était intéressée à la psychanalyse. Pour René ce fut l’occasion ou la conjoncture – peut-être alors inespérée – de prouver une place plus importante et permanente auprès d’elle. En 1962 nous déménageâmes à nouveau : cette fois dans un appartement atelier, plus bourgeoisement meublé, rue Campagne Première, à Montparnasse et, bien qu’ils ne purent se marier officiellement que des années plus tard, nous allions donc vivre avec le nouvel époux de Colette – qui s’était pris pour moi d’une affection assez considérable, quoique ambivalente. Et j’entrai au Lycée Montaigne. René venait d’une famille juive d’une classe sociale bien « supérieure » ; son père, Arnault Tzanck, avait été un « grand homme », ami proche de Léon Blum et l’un de ces grands médecins chercheurs qui laissèrent leur marque sur les générations suivantes. Il « découvrit » la transfusion sanguine et créa la première banque du sang. Il écrivit un essai très remarquable par la profondeur et la clarté de son questionnement : « La Conscience Créatrice ». René, fils unique, hérita donc d’une charge assez lourde, celle de ne pas faillir à l’exemple que la vie de son père avait projeté. Il devint à son tour médecin et chercheur et tint les rênes du Laboratoire de Recherche Sanguine et de la Banque du Sang à la Salpêtrière à Paris, des années durant, au cours desquelles il côtoya de grands professeurs et chercheurs. René avait une intelligence qui pouvait être fulgurante, un humour qui pouvait être très fin, une sorte de capacité intuitive dont il ne savait quel usage faire, et une personnalité complexe et contradictoire, avec une forte tendance au nihilisme ; mais il dévoua à Colette une passion de chaque instant, jusqu’au dernier.

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