Lettres à Divakar jusqu'à 2005

– dans ses relations avec une femme étrange (ou devenue étrange dans la création du souvenir), qui était « à la recherche de quelque chose », comme on disait d’elle. Mais pourquoi avoir encore besoin de la rendre présente après des décennies ? Ce projet que j’ai toujours eu d’écrire « cela », - que j’ai totalement oublié, désinvesti, gommé à tant de reprises, qui est reparu et disparu jusqu’à revenir maintenant avec insistance… Et cette fois, très enrichi, très centré, ouvert sur autre chose, à l’inverse de ce qu’il était jusqu’à présent. Comme si une certaine évolution, un certain progrès, ne pouvaient du moins à travers l’écriture se manifester qu’avec lui, qu’à partir de lui. J’ai parfois l’impression qu’il faut que je me débarrasse de ce passé pour en libérer « mon écriture », et d’ailleurs je crois bien que tant que j’ai été fascinée par ce qu’a symbolisé Lucienne, écrire n’était pas envisageable. Bien entendu, représentée, recréée, créée, elle – ce « personnage » - n’aura de vie que dans ses relations avec les hommes, avec l’enfant que j’étais, ses sœurs, la ville (Saint Malo, vécue comme un lieu quasiment occulte), ses aspirations qu’elle ignorait et vivait comme un animal inquiet. Avec son milieu familial et social – le mien, très diversifié. Et avec un personnage que j’ai totalement imaginé ! Je le souligne, car j’en suis étonnée et satisfaite. Un jour en effet, lointain, où j’étais aux prises avec un désir d’écrire et butais une fois de plus sur cette autobiographie, j’ai découvert que je n’avais pas d’imagination, ce que mon goût prononcé pour la « rêverie » ne m’avait pas laissée deviner. Or voici que ce personnage m’arrive là, né du récit qui s’est écrit en moi. Inventé et pourtant inhérent, nécessaire à ce récit.

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