Lettres à Divakar jusqu'à 2005

Comme tous les analystes anglais – et malgré une œuvre apparemment abstraite et ardue sur la pensée -, il était clair pour moi qu’il avait cette même liberté qu’eux (par rapport aux analystes français), ces mêmes capacités intuitives à l’œuvre dans une pratique clinique toujours très proche du concret, de l’expérience directe, immédiate. Un de ses derniers ouvrages, non traduit malheureusement, a un titre bien parlant : « La Mémoire du Futur ». En fait, peu de Français connaissent ses œuvres – encore une fois réputées abstraites. Moi, je le « connaissais » à travers Green qui l’apprécie beaucoup ; et j’ai toujours retenu certaines de ses recherches qui me semblent ouvrir l’horizon grâce à une faculté d’élargir, de décomposer les concepts : la pensée par exemple. Et puis, voici que l’autre soir j’ai vu, en projection privée, un film sur lui. Cinéaste : un Indien, du niveau de Satyajit Ray, si proche, si attaché à l’œuvre de Bion, qu’il a voulu le sauver d’un éventuel oubli. En collaboration avec un psychanalyste anglais, présent à la projection. Etrange expérience pour le spectateur : film inachevé, bande son non encore montée, film muet donc avec dans la cabine de projection un couple qui nous lisait et nous « jouait » le script ; images superbes, en particulier des rêves prêtés au personnage Bion à partir de ses écrits. Pas d’ordre chronologique, volontairement, pour respecter un tout autre ordre des choses. Finalement, une sorte de grand Rêve, en même temps très vrai, très réel. De l’humour, celui des psychanalystes anglais sur leur profession. Morale de l’histoire, si je puis dire : le travail de Bion sur la pensée n’est nullement abstrait car, justement, elle (la pensée) renvoie aux racines de l’être physique, jusque dans l’univers prénatal. Elle le traduit, elle lui est secondaire. Bon.

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