Lettres à Divakar jusqu'à 2005

Il sembla peut-être à Colette, au moins durant la première partie de cette période, que je trouverais une manière d’exprimer et de vivre, en France même, la philosophie, le chemin, le yoga que j’avais découverts auprès de Mère. Je dus d’abord régler mes affaires militaires. Je me fis exempter pour cause de fragilité psychologique : il ne me fut pas difficile de m’identifier, le temps d’un examen par les médecins de l’armée, à une personnalité vulnérable et incapable de se soumettre à la discipline requise, pour cause de désordre « psychique » ; j’étais de plus muni d’un certificat médical approprié que notre ami Paul avait préparé pour l’occasion. Puis je retrouvai quelques proches amis, en rencontrai de nouveaux et bientôt nous formâmes une « commune », dans une demi ruine entourée de bois et juchée juste au-dessus d’une petite rivière, non loin de Vézelay. Colette et moi pouvions donc nous retrouver assez souvent. Son propre travail et sa recherche sur les sentiers de la psychanalyse répondaient à ses besoins de progrès et d’indépendance, et elle y faisait des avancées inattendues, étant donné son manque d’ « éducation » et de « culture », et commençait, sans le chercher, tranquillement, à se faire un « nom » dans le milieu de la Société freudienne. Cependant, il n’était guère possible de ne pas s’inquiéter un peu de mon « avenir », et il devenait de plus en plus visible et sensible que je n’étais ni « heureux » ni « satisfait » loin de la présence physique de Mère – loin de l’Ashram et d’Auroville. Je n’avais pas la fibre du « meneur » ni du guide, et je tenais plutôt à m’éloigner de toute relation qui tendrait à exacerber le petit ego. En outre, le travail de Mère prenait une place de plus en plus centrale dans la vie de ceux qui m’étaient réellement proches. Plusieurs de mes amis s’en furent à Pondicherry, un ou deux pour de longs séjours.

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