Lettres à Divakar jusqu'à 2005

Mais je lui ai promis de m’occuper de son corps car elle ne voulait pas être touchée par des étrangers, et toi et moi nous avons fait de ce moment ultime, très douloureux, un rituel magique, parce qu’elle était belle et elle était elle. J’espère que ma réponse est à la hauteur de ta question. … Moi non plus je ne t’oublie pas. Je t’embrasse fort, (Olga est née en Colombie et n’a appris le français que lorsque, libérée de prison et émigrant en France avec sa petite fille, elle dut tout recommencer ; je n’ai corrigé que les erreurs les plus ordinaires.) Voici donc à présent une série de souvenirs, sans ordre rigoureux, qui permettront une reconstitution approximative des derniers mois que Colette a vécus dans ce corps, dans cette vie… Ce fut probablement au mois de novembre que je m’en fus passer deux ou trois semaines auprès de Colette, qui avait donc dû cesser son activité de psychanalyste, sans toutefois annoncer à ses patients un arrêt définitif. Les docteurs lui avaient prescrit un nombre d’heures le jour et toute la nuit un apport d’oxygène. Je l’ai donc retrouvée chez elle, allant et venant dans l’appartement mais souvent installée sur le divan de l’atelier avec le petit tuyau d’oxygène attaché à ses narines – un mince tuyau transparent et flexible relié à un cylindre d’oxygène monté sur roues. C’était une situation qui nous était déjà devenue familière, puisque Francis depuis un certain temps devait s’alimenter ainsi en oxygène chaque nuit et chaque après-midi, ce qui ne l’empêchait pas de sortir, de travailler, ni même de voyager. Olga. »

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