Comment L’appeler?

Mais c‟est justement là – ici, dans ce fourbi étouffant, assommant, incessant, douloureux, aveuglant, humiliant, abêtissant, décourageant, oui, c‟est justement là qu‟il nous faut trouver la capacité de garder le contact et de le laisser exercer son action transformatrice. C‟est là précisément et justement, dans cette lourde opacité de notre condition physique ordinaire, cette épaisse pesanteur de vie qui nous semble mécanique et comme irrévocablement réfractaire à tout élan de progrès, qu‟il nous faut accepter ce travail le plus ingrat, le plus insensé, d‟ouvrir malgré tout et d‟offrir et d‟appeler ; n‟est-ce pas en fait cette même pesanteur, inconsciente de tout autre condition, indifférente à tout autre état, qui abrite toutes les trahisons, tous les mensonges du monde et toutes nos démissions ? Et n‟est-ce pas cette pénombre même, perpétuellement répétitive, qui a occupé, investi notre base physique et qui justifie la dégradation et la mort par son refus d‟évoluer et de devenir ? Qui voudrait demeurer indéfiniment dans cette ronde terne et sans issue qui secrète sa propre dégénérescence ?

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La grande majorité d‟entre nous, membres de l‟espèce humaine, qui jouissons d‟une condition physique relativement normale et ne sommes pas assujettis à des tâches trop intensives, devons traiter avec un espace-temps qui apparait disponible et neutre à la fois, qu‟il nous faut occuper.

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