Comment L’appeler?

D‟où a surgi cet ogre avide et insatiable qui s‟empare sans faillir de nos égoïsmes comme d‟autant de marionnettes pour ses ripailles et jouit des blessures que nos propres haines nous infligent ? Cette dépendance et cette vulnérabilité qui nous affligent sont- elles inéluctables ?

Où exactement se situe la séparation, ou opère-t-elle ?

Est-ce à l‟emplacement de la mort, de ce voile ou de cette interférence irréductible qui vient tout interrompre et défaire quelles que soient nos conquêtes ?

Ou bien l‟emprise de la séparation se situe-t-elle plus en amont ?

***

Que faisons-nous donc de ce temps qui nous est à chacun et ensemble donné ? On a tous ces appareils de plus en plus sophistiqués, élégants et confortables, pour nous permettre de combler le vide et de l‟animer et on s‟empiffre et se bâfre d‟images et de sons et d‟informations réduites et violées pour repousser l‟échéance – un jour, une heure de plus… C‟est que l‟on est encore incapable d‟être vraiment : ces instants durant lesquels nous sommes, qui nous rendent conscients d‟exister – uniques et incomparables -, sont si rares à l‟échelle d‟une vie humaine ordinaire, que le reste, tout le reste semble n‟être que du remplissage.

58