Comment L’appeler?

Jadis il fut un temps où le roi de mon pays était omniscient : en plus de savoir à tout instant toutes sortes de choses que j‟ignorais, il savait tout de moi ; il savait que la sécheresse avait duré bien longtemps, que mon petit-fils n‟était pas bien portant, que mon voisin empiétait sur mon champ, que le chemin pour aller au marché était mal empierré, que mon épouse n‟était plus si prévenante, même si elle m‟avait donné de bons enfants ; et si rien ne semblait s‟améliorer, c‟était sûrement parce qu‟il était trop occupé à repousser des ennemis et protéger son peuple bien-aimé. Jadis il fut un temps où mon Dieu était omniscient : en plus de savoir à tout instant tout ce qui survenait en chacune de ses créatures, il connaissait chaque pensée dans ma tête et chaque émotion dans mon cœur et chaque désir dans mon ventre, même ceux que je tentais de dissimuler, et il connaissait aussi chacune de mes actions passées et pouvait seul soupeser les plateaux de la balance et s‟il me laissait ployer sous la charge de l‟adversité, c‟était pour mon bien et mon éveil et, de la sorte, il était le conducteur de son peuple bien-aimé. Aujourd‟hui nous attendrions d‟un être omniscient non seulement qu‟il soit maître de toutes les connaissances, de toutes ces disciplines et tous ces savoirs que nous avons comme autant de bataillons de fourmis diligentes détaillés, diversifiés, classifiés, thésaurisés et tenté de mettre en pratique – depuis l‟herboristerie jusqu‟à l‟astronomie, de la séismologie à la neurologie, de la physique quantique à la climatologie, de l‟orfèvrerie et la minéralogie à la chirurgie robotique et la cybernétique, de l‟ethnologie, la paléontologie et l‟archéologie à la chimie moléculaire, la génétique et la programmation informatique –, mais également qu‟il mesure et évalue à chaque instant toutes

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