Savitri - Book Ten - Canto 2

B OOK T EN – C ANTO 2 – T HE G OSPEL OF D EATH AND V ANITY OF THE I DEAL L IVRE D IX – C HANT 2 – L’E VANGILE DE LA M ORT ET LA V ANITE DE L ’I DEAL

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK TEN - The Book of the Double Twilight

LIVRE DIX – Le Livre du Double Crépuscule

Canto Two - The Gospel of Death and Vanity of the Ideal

Chant Deux – L’Evangile de la Mort et la Vanité de l’Idéal

Then pealed the calm inexorable voice: Abolishing hope, cancelling life's golden truths, Fatal its accents smote the trembling air. That lovely world swam thin and frail, most like Some pearly evanescent farewell gleam On the faint verge of dusk in moonless eves. “Prisoner of Nature, many-visioned spirit, Thought's creature in the ideal's realm enjoying Thy unsubstantial immortality The subtle marvellous mind of man has feigned, This is the world from which thy yearnings came. When it would build eternity from the dust, Man's thought paints images illusion rounds; Prophesying glories it shall never see, It labours delicately among its dreams. Behold this fleeing of light-tasselled shapes, Aerial raiment of unbodied gods; A rapture of things that never can be born, Hope chants to hope a bright immortal choir; Cloud satisfies cloud, phantom to longing phantom Leans sweetly, sweetly is clasped or sweetly chased. This is the stuff from which the ideal is formed: Its builder is thought, its base the heart's desire, But nothing real answers to their call. The ideal dwells not in heaven, nor on the earth,

Alors retentit la calme voix inexorable, Abolissant l’espoir et les lois d’or de la vie, Frappant l’air tremblant de ses funestes accents. Ce monde exquis sembla graduellement s’effacer Comme une lueur d’adieu, évanescente et nacrée, Juste avant la pénombre d’une soirée sans lune. « Prisonnière de la Nature, esprit visionnaire, Créature de pensée, jouissant dans l’idéal De ta fausse immortalité que le mental Merveilleusement subtil de l’homme a simulée, Ceci est le monde d’où vinrent tes espérances. Pour construire l’éternité avec la poussière, L’homme peint des images qu’arrondit l’illusion ; Prophétisant des gloires qu’il ne verra jamais, Il travaille délicatement parmi ses rêves. Regarde ces formes qui passent, frangées de lumière, Une parure aérienne pour des dieux sans corps ; Un charme de choses qui ne pourront jamais naître, L’espoir chante à l’espoir une chorale immortelle ; Un nuage en satisfait un autre, un fantôme En étreint un autre, ou tendrement le poursuit. Tel est le matériau dont l’idéal est formé : Son bâtisseur est la pensée, sa base est le coeur, Mais rien de réel ne répond à leur appel. Ni au ciel ni sur terre l’idéal ne demeure, Un ardent délire de l’espérance de l’homme Ivre du vin de sa propre fantaisie. C’est la traîne de songe d’une ombre brillante.

A bright delirium of man's ardour of hope Drunk with the wine of its own fantasy. It is a brilliant shadow's dreamy trail.

Thy vision's error builds the azure skies, Thy vision's error drew the rainbow's arch; Thy mortal longing made for thee a soul. This angel in thy body thou callst love, Who shapes his wings from thy emotion's hues, In a ferment of thy body has been born And with the body that housed it it must die. It is a passion of thy yearning cells, It is flesh that calls to flesh to serve its lust; It is thy mind that seeks an answering mind And dreams awhile that it has found its mate; It is thy life that asks a human prop To uphold its weakness lonely in the world Or feeds its hunger on another's life. A beast of prey that pauses in its prowl, It crouches under a bush in splendid flower To seize a heart and body for its food: This beast thou dreamst immortal and a god. O human mind, vainly thou torturest An hour's delight to stretch through infinity's Long void and fill its formless, passionless gulfs, Persuading the insensible Abyss To lend eternity to perishing things, And trickst the fragile movements of thy heart With thy spirit's feint of immortality. All here emerges born from Nothingness; Encircled it lasts by the emptiness of Space, Awhile upheld by an unknowing Force, Then crumbles back into its parent Nought:

L’erreur de ta vision bâtit les cieux d’azur, L’erreur de ta vision a dessiné l’arc-en-ciel ; Ton besoin mortel a créé pour toi une âme. Cet ange dans ton corps que tu nommes amour, Qui modèle ses ailes d’après tes émotions, A pris naissance dans un ferment de ton corps Et, avec le corps qui l’abrita, devra mourir. C’est une passion de tes désirs cellulaires, C’est la chair qui appelle la chair au plaisir, C’est ton mental qui cherche la réponse d’un autre Et rêve un moment qu’il a trouvé son compagnon ; C’est ta vie qui demande un appui humain Pour soutenir sa faiblesse isolée dans le monde, Ou bien qui nourrit sa faim de la vie d’un autre. Une bête de proie qui soudain se tapit, Elle s’accroupit sous un buisson épanoui Pour saisir et dévorer un cœur et un corps : Cette bête tu rêves immortelle et divine. O mental humain, vainement tu tortures Le plaisir d’une heure pour l’étirer dans le vide De l’infini et combler ses gouffres informes, Persuadant l’Abysse insensible de prêter L’éternité à des choses périssables, Et dupes les fragiles mouvements de ton coeur Subsiste encerclé par la vacuité de l’Espace, Maintenu un instant par une Force ignorante, Puis s’effondre et retourne à son Rien parent. Rien autre que le Seul peut exister à jamais. Dans le Seul il n’y a pas de place pour l’amour. Vainement, pour habiller l’argile de l’amour, Avec ton simulacre d’esprit immortel. Tout ce qui émerge ici naît du Néant,

Only the mute Alone can for ever be. In the Alone there is no room for love. In vain to clothe love's perishable mud

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Thou hast woven on the Immortals' borrowed loom The ideal's gorgeous and unfading robe. The ideal never yet was real made. Imprisoned in form that glory cannot live; Into a body shut it breathes no more. Intangible, remote, for ever pure, To inhabit a white temple in man's heart: In his heart it shines rejected by his life. Immutable, bodiless, beautiful, grand and dumb, Immobile on its shining throne it sits; Dumb it receives his offering and his prayer. It has no voice to answer to his call, No feet that move, no hands to take his gifts: Aerial statue of the nude Idea, Virgin conception of a bodiless god, Its light stirs man the thinker to create An earthly semblance of diviner things. Its hued reflection falls upon man's acts; His institutions are its cenotaphs, He signs his dead conventions with its name; His virtues don the Ideal's skiey robe And a nimbus of the outline of its face: He hides their littleness with the divine Name. Yet insufficient is the bright pretence To screen their indigent and earthy make: Earth only is there and not some heavenly source. If heavens there are they are veiled in their own light, If a Truth eternal somewhere reigns unknown, It burns in a tremendous void of God; For truth shines far from the falsehoods of the world; A sovereign of its own brilliant void, Unwillingly it descends to earthly air

As-tu emprunté le métier des Immortels Pour tisser la robe somptueuse de l’idéal. Mais l’idéal n’a jamais été réalisé.

Sa gloire ne peut vivre emprisonnée dans la forme ; Dans un corps enclose elle ne peut plus respirer. Intangible et distante et à jamais pure, Souveraine de son propre vide brillant, Elle descend malgré elle dans l’air de la terre Pour habiter un temple blanc dans le cœur de l’homme. Dans son cœur elle rayonne, rejetée par sa vie. Immuable, sans corps, belle et grande et muette, Immobile elle siège sur son trône radieux ; Muette elle reçoit son offrande et sa prière. Elle n’a pas de voix pour répondre à son appel, De pieds pour bouger, de mains pour prendre ses dons : Une statue aérienne de l’Idée nue, Vierge conception d’un dieu immatériel, Sa lumière incite l’homme, le penseur, à créer Une semblance ici-bas de choses plus divines. Les actes de l’homme se parent de ses reflets ; Ses institutions deviennent ses cénotaphes, Ses conventions mortes il signe avec son nom ;

De sa robe de ciel il revêt ses vertus Et les nimbe du contour de son visage : Il cache leur petitesse avec le Nom divin. Mais l’éclatante prétention est insuffisante A dissimuler leur facture indigente :

Ce n’est que la terre, et non quelque source céleste. S’il y a des cieux, leur propre lumière les voile, Si quelque part, inconnue, règne une Vérité, C’est dans un vide de Dieu qu’elle flamboie, Car elle rayonne loin des mensonges du monde ;

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How can the heavens come down to unhappy earth Or the eternal lodge in drifting time? How shall the Ideal tread earth's dolorous soil Where life is only a labour and a hope, A child of Matter and by Matter fed, A fire flaming low in Nature's grate, A wave that breaks upon a shore in Time, A journey's toilsome trudge with death for goal? The Avatars have lived and died in vain, Vain was the sage's thought, the prophet's voice; In vain is seen the shining upward Way. Earth lies unchanged beneath the circling sun; She loves her fall and no omnipotence Her mortal imperfections can erase, Force on man's crooked ignorance Heaven's straight line

Comment les cieux descendraient-ils à la pauvre terre Ou l’éternel se logerait-il dans les années ? Comment l’Idéal foulerait-il ce sol blessant Où la vie n’est qu’un labeur et une espérance, Enfant de la Matière nourrie par la Matière, Un feu trop bas dans le foyer de la Nature, Une lame qui se brise sur un rivage, Un pénible périple dont la mort est le but ? Les Avatars ont vécu et péri vainement, Vaine fut la pensée du sage, la voix du prophète, Vainement resplendit la Voie ascendante. La terre demeure inchangée sous le soleil ; Elle aime sa déchéance et nulle omnipotence Ne peut effacer ses imperfections ou forcer Sur l’humaine perversité la ligne du Ciel, Ni coloniser par les dieux un monde de mort. O voyageuse dans le chariot du Soleil, Haute prêtresse dans ton sanctuaire imaginaire Qui, par ta magie dans la maison de la terre, Rends culte à l’idéal et à l’amour éternel, Qu’est donc cet amour que ta pensée a déifié, Cette légende sacrée et ce mythe immortel ? Ce n’est qu’un désir conscient de ta chair, Une glorieuse consumation de tes nerfs, La rose d’un songe splendide ornant ton mental, Une grande extase rouge torturant ton cœur. Une soudaine transfiguration de tes jours, L’amour passe et le monde est comme avant. Un ravissement de tendresse et de douleur, Son intensité le fait paraître divin, Un pont d’or sur le grondement des années, Une corde te reliant à l’éternité.

Or colonise a world of death with gods. O traveller in the chariot of the Sun, High priestess in thy holy fancy's shrine Who with a magic ritual in earth's house Worshippest ideal and eternal love, What is this love thy thought has deified, This sacred legend and immortal myth? It is a conscious yearning of thy flesh, It is a glorious burning of thy nerves, A rose of dream-splendour petalling thy mind, A great red rapture and torture of thy heart. A sudden transfiguration of thy days, It passes and the world is as before. A ravishing edge of sweetness and of pain, A thrill in its yearning makes it seem divine, A golden bridge across the roar of the years, A cord tying thee to eternity.

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And yet how brief and frail! how soon is spent This treasure wasted by the gods on man, This happy closeness as of soul to soul, This honey of the body's companionship, This heightened joy, this ecstasy in the veins, This strange illumination of the sense! If Satyavan had lived, love would have died; But Satyavan is dead and love shall live A little while in thy sad breast, until

Et pourtant, comme il est fragile, comme il est bref, Ce trésor que les dieux prodiguent sur l’homme, Cette heureuse intimité comme de l’âme à l’âme, Ce miel de deux corps devenus compagnons, Cette joie augmentée, cette extase dans les veines, Cette illumination étrange des sens ! Si Satyavan avait vécu, l’amour serait mort ; Mais Satyavan est mort et l’amour vivra encore Un moment dans ta triste poitrine jusqu’au jour Où sa face et son corps pâliront dans ta mémoire Et d’autres corps apparaîtront et d’autres visages. Quand l’amour soudain surgit dans la vie, d’abord L’homme s’avance dans un monde du soleil ; Il ressent dans sa passion son divin élément : Mais seul un petit arpent de terre embrasé S’est illuminé de la merveille céleste ; Le serpent est là, le ver dans le cœur de la rose. Un mot, un geste peuvent détruire le dieu ; Car son immortalité est précaire, Ta passion n’était qu’un besoin sensuel raffiné, Un appétit du corps et du cœur ; ton besoin Peut se lasser et s’éteindre, ou se tourner ailleurs. Ou il se peut aussi que l’amour soit trahi, Ou que par de cruelles blessures la colère Le sépare, ou bien qu’insatisfaite vers d’autres Tu t’en ailles, quand la première joie sera défunte : Une morne indifférence remplace la flamme Ou une habitude attachante imite l’amour ; Une union extérieure et malaisée subsiste Il a mille façons de souffrir, et de périr. La nourriture du ciel ne peut lui suffire ; Il ne survit que par la sève de la terre.

His face and body fade on memory's wall Where other bodies, other faces come. When love breaks suddenly into the life At first man steps into a world of the sun; In his passion he feels his heavenly element: But only a fine sunlit patch of earth The marvellous aspect took of heaven's outburst; The snake is there and the worm in the heart of the rose. A word, a moment's act can slay the god; Precarious is his immortality, He has a thousand ways to suffer and die. Love cannot live by heavenly food alone, Only on sap of earth can it survive. For thy passion was a sensual want refined, A hunger of the body and the heart; Thy want can tire and cease or turn elsewhere. Or love may meet a dire and pitiless end By bitter treason, or wrath with cruel wounds Separate, or thy unsatisfied will to others Depart when first love's joy lies stripped and slain: A dull indifference replaces fire

Or an endearing habit imitates love: An outward and uneasy union lasts

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Or the routine of a life's compromise: Where once the seed of oneness had been cast Into a semblance of spiritual ground By a divine adventure of heavenly powers Two strive, constant associates without joy, Two egos straining in a single leash, Two minds divided by their jarring thoughts, Two spirits disjoined, for ever separate. Thus is the ideal falsified in man's world; Heaven's hour adjourned flees into bodiless Time. Death saves thee from this and saves Satyavan: He now is safe, delivered from himself; He travels to silence and felicity. Call him not back to the treacheries of earth And the poor petty life of animal Man. In my vast tranquil spaces let him sleep In harmony with the mighty hush of death Where love lies slumbering on the breast of peace. And thou, go back alone to thy frail world: Chastise thy heart with knowledge, unhood to see, Thy nature raised into clear living heights, The heaven-bird's view from unimagined peaks. For when thou givest thy spirit to a dream Soon hard necessity will smite thee awake: Purest delight began and it must end. Thou too shalt know, thy heart no anchor swinging, Trivial or sombre, disillusion comes, Life's harsh reality stares at the soul: Thy cradled soul moored in eternal seas. Vain are the cycles of thy brilliant mind. Renounce, forgetting joy and hope and tears, Thy passionate nature in the bosom profound

Ou la routine d’une vie de compromis : Là où la semence de l’union fut déposée Dans la semblance d’un terrain spirituel Par une aventure de pouvoirs supérieurs, Deux s’efforcent, constants associés privés de la joie, Deux ego qui chacun tirent sur une laisse, Deux intelligences divisées par leurs pensées, Deux esprits disjoints, à jamais séparés. Ainsi l’idéal est-il falsifié dans ce monde ; Sombre ou triviale, la désillusion sûrement vient, Et l’âme doit affronter l’âpre réalité : L’heure du Ciel, ajournée, s’enfuit dans le Temps. De cela la Mort te sauve et sauve Satyavan : Il est sauf à présent, délivré de lui-même, Et s’en va vers le silence et la félicité. Ne le rappelle pas aux tricheries de la terre, A la pauvre petite vie de l’Homme animal. Laisse-le s’endormir dans mes espaces tranquilles En harmonie avec le grand calme de la mort Où l’amour sommeille sur le sein de la paix. Et toi, retourne-t-en seule à ton monde fragile : Ton cœur châtié par la connaissance et ta nature Soulevée à des cimes vivantes, vois sans oeillères Comme voit, de ses hauteurs, l’oiseau du paradis. Car lorsque tu donnes ton esprit à un rêve La dure nécessité bientôt vient te frapper : Le plaisir le plus pur, commencé, doit s’achever. Toi aussi tu sauras, ton coeur libre d’attaches, Ton âme bercée dans les mers éternelles. Vains sont les cycles de ton intelligence. Renonce, oubliant la joie, l’espoir et les pleurs, A ta nature passionnée dans le sein profond

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Of a happy Nothingness and worldless Calm, Delivered into my mysterious rest. One with my fathomless Nihil all forget. Forget thy fruitless spirit's waste of force, Forget the weary circle of thy birth,

D’un heureux Néant et d’un Calme muet, Délivrée dans le mystère de mon repos. Unie à mon Nihil insondable, oublie tout. Oublie l’inutile gaspillage d’énergie,

Oublie le circuit pénible de ta naissance, Oublie la joie et la lutte et la douleur, - La vague quête spirituelle qui commença Quand telles des grappes de feux des mondes fleurirent Et de grandes pensées vinrent brûler dans le ciel Et le Temps et ses éons se mirent à ramper Et des âmes émergèrent dans la vie mortelle. » Mais Savitri répondit au Pouvoir obscur : « O Mort, tu trouves une dangereuse musique, Fondant ton discours en douleur harmonieuse, Usant d’une flûte pour séduire les espoirs, Mêlant tes mensonges à de tristes vérités. Mais j’interdis à ta voix de détruire mon âme. Mon amour n’est pas une faim dans le cœur, Mon amour n’est pas une envie de la chair ; Il m’est venu de Dieu, et à Dieu s’en retourne. Même en tout ce que la vie et l’homme ont abîmé, Autorisé par le Ciel et merveilleux pour l’homme, Le rythme d’un feu de tendresse chante à l’amour. Il y a un espoir dans son cri sauvage, Résonnant des appels de hauteurs oubliées, Et quand cessent ses accents pour les âmes ailées Dans leur empyrée, son souffle brûlant Survit au-delà, le centre d’extase des astres Qui flamboient à jamais purs en d’autres firmaments, Un murmure de divinité s’entend encore, Un souffle qui vient des sphères éternelles.

Forget the joy and the struggle and the pain, The vague spiritual quest which first began When worlds broke forth like clusters of fire-flowers, And great burning thoughts voyaged through the sky of mind And Time and its aeons crawled across the vasts And souls emerged into mortality.” But Savitri replied to the dark Power: “A dangerous music now thou findst, O Death, Melting thy speech into harmonious pain, And flut'st alluringly to tired hopes Thy falsehoods mingled with sad strains of truth. But I forbid thy voice to slay my soul. My love is not a hunger of the heart, My love is not a craving of the flesh; It came to me from God, to God returns. Even in all that life and man have marred, A whisper of divinity still is heard, A breath is felt from the eternal spheres. Allowed by Heaven and wonderful to man A sweet fire-rhythm of passion chants to love. There is a hope in its wild infinite cry; It rings with callings from forgotten heights, And when its strains are hushed to high-winged souls In their empyrean, its burning breath

Survives beyond, the rapturous core of suns That flame for ever pure in skies unseen,

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A voice of the eternal Ecstasy. One day I shall behold my great sweet world Put off the dire disguises of the gods, Unveil from terror and disrobe from sin. Appeased we shall draw near our mother's face, We shall cast our candid souls upon her lap; Then shall we clasp the ecstasy we chase, Then shall we shudder with the long-sought god, Then shall we find Heaven's unexpected strain. Not only is there hope for godheads pure; The violent and darkened deities Leaped down from the one breast in rage to find What the white gods had missed: they too are safe; A mother's eyes are on them and her arms Stretched out in love desire her rebel sons. One who came love and lover and beloved Eternal, built himself a wondrous field And wove the measures of a marvellous dance. In the wild devious promptings of his mind He tastes the honey of tears and puts off joy Repenting, and has laughter and has wrath, And both are a broken music of the soul Which seeks out reconciled its heavenly rhyme. Ever he comes to us across the years There in its circles and its magic turns Attracted he arrives, repelled he flees. Bearing a new sweet face that is the old. His bliss laughs to us or it calls concealed Like a far-heard unseen entrancing flute From moonlit branches in the throbbing woods, Tempting our angry search and passionate pain. Disguised the Lover seeks and draws our souls.

Une voix du Ravissement éternel. Un jour je verrai mon grand monde adorable Rejeter les déguisements sinistres des dieux, Le voile de la terreur, la robe du péché. Apaisés, nous nous approcherons de notre mère, Poserons nos âmes candides sur ses genoux ; Alors tiendrons-nous l’extase que nous poursuivons Et frémirons-nous avec le dieu longtemps cherché, Et trouverons-nous, soudain, l’accent du Paradis. Cet espoir n’est pas que pour les pures déités ; De son amour désirent ses enfants rebelles. Lui qui vint, l’amour et l’amant et le bien-aimé Eternel, se bâtit lui-même un champ de prodige Et tissa les mesures d’une danse magique. Dans ses tours et ses cercles merveilleux Aimanté il arrive, repoussé il s’enfuit. Exhorté par sa pensée sauvage et dévoyée, Il goûte le miel des larmes et du repentir, Refusant la joie ; et son rire ou son courroux Ne sont qu’une musique brisée de son âme Qui cherche, réconciliée, sa rime divine. Toujours il vient à nous à travers les années, Un visage nouveau de l’ancienne tendresse. Son rire de bonheur nous surprend, ou il appelle Comme une flûte enivrante au loin dans les branches Des bois qui palpitent dans la clarté de la lune, Invitant notre quête furieuse et passionnée. Déguisé, l’Amant recherche et attire nos âmes. Les dieux violents et obscurcis eux aussi, Jaillis du même sein dans la rage de trouver Ce qu’avaient manqué les dieux blancs, - eux aussi sont saufs ; Les yeux d’une mère sont sur eux, les bras tendus

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He named himself for me, grew Satyavan. For we were man and woman from the first, The twin souls born from one undying fire. Did he not dawn on me in other stars? How has he through the thickets of the world Pursued me like a lion in the night

Il s’est pour moi nommé, devenu Satyavan. Car nous étions homme et femme depuis le début, Les âmes jumelles nées d’une flamme immortelle. Ne m’est-il pas apparu sur d’autres étoiles ? Comme il m’a sans cesse dans les forêts du monde

Poursuivie, pareil à un lion dans la nuit, Et surprise soudain dans les chemins Et saisie enfin dans sa gloire dorée !

And come upon me suddenly in the ways And seized me with his glorious golden leap! Unsatisfied he yearned for me through time, Sometimes with wrath and sometimes with sweet peace

Insatisfait il me cherchait à travers le temps, Parfois courroucé, parfois tendre et paisible, Me désirant depuis que le monde commença. Comme une vague folle il se leva des marées Pour m’entraîner dans les mers de sa béatitude. De mon passé voilé ses bras tendus me retrouvent ; Ils m’ont touchée comme le doux vent qui persuade, Ils m’ont cueillie telle une fleur tremblante de joie Pour m’étreindre heureuse en sa flamme impitoyable. Moi aussi je l’ai trouvé en des formes charmantes Et couru enchantée vers sa voix distante Et franchi bien des obstacles pour le rejoindre. S’il y a un dieu plus grand et plus heureux, Qu’il porte d’abord le visage de Satyavan Et que son âme s’unisse d’abord à lui ; Que tel il me cherche selon mon désir. Car il ne bat qu’un seul cœur dans ma poitrine Et un seul dieu y a son trône. Avance, O Mort, Par-delà ce monde et sa beauté fantomatique ; Car je ne suis pas l’un de ses citoyens. Je chéris Dieu le Feu, non Dieu le Songe. »

Desiring me since first the world began. He rose like a wild wave out of the floods And dragged me helpless into seas of bliss. Out of my curtained past his arms arrive;

They have touched me like the soft persuading wind, They have plucked me like a glad and trembling flower, And clasped me happily burned in ruthless flame. I too have found him charmed in lovely forms And run delighted to his distant voice And pressed to him past many dreadful bars. If there is a yet happier greater god, Let him first wear the face of Satyavan And let his soul be one with him I love; So let him seek me that I may desire. For only one heart beats within my breast And one god sits there throned. Advance, O Death, Beyond the phantom beauty of this world; For of its citizens I am not one. I cherish God the Fire, not God the Dream.”

But Death once more inflicted on her heart The majesty of his calm and dreadful voice:

Mais la Mort une fois de plus lui infligea La majesté de sa voix calme et redoutable :

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“A bright hallucination are thy thoughts. A prisoner haled by a spiritual cord, Of thy own sensuous will the ardent slave, Thou sendest eagle-poised to meet the sun

« Une hallucination brillante sont tes pensées. Prisonnière que hale une corde spirituelle, Esclave ardente de la volonté de tes sens, Tu envoies comme des aigles vers le soleil Des paroles rougies par la splendeur de ton cœur. Mais la connaissance ne siège pas dans le cœur ; Les mots du cœur sont ignorés par la Sagesse. Vain est ton désir de bâtir le Ciel sur la terre. Artisan de l’Idéal et de l’Idée, enfant De la Matière porté par la Vie, le Mental Persuade ses parents de gravir les degrés : Inaptes, ils ne peuvent suivre le guide audacieux. Mais le Mental, un glorieux voyageur dans le ciel, Est maladroit sur la terre et ses pas y sont lents ; Il maîtrise à peine la substance de la vie, Il contrôle à peine le galop de ses sens : Ses pensées regardent droit dans le ciel, elles tirent Leur or d’une mine céleste mais ses actes Manient péniblement un minerai ordinaire. Le mental matériel a conçu tes plus hauts rêves Pour soulager son morne labeur dans sa geôle, Sa seule demeure, où lui seul semble vrai. Une image solide de la réalité Taillée dans l’être pour étayer l’œuvre du Temps, La Matière est sur la terre forte et assurée. Elle est la première-née des choses créées, Et la dernière quand vie et pensée sont détruits, Et si elle cessait tout cesserait avec elle. Tout le reste n’en est qu’un produit ou une phase : Ton âme est une fleur éphémère qu’a créé Le Mental dans ton petit jardin de matière ; Elle périt avec la plante qui la porte,

Words winged with the red splendour of thy heart. But knowledge dwells not in the passionate heart; The heart's words fall back unheard from Wisdom's throne. Vain is thy longing to build heaven on earth. Artificer of Ideal and Idea, Mind, child of Matter in the womb of Life, To higher levels persuades his parents' steps: Inapt, they follow ill the daring guide. But Mind, a glorious traveller in the sky, Walks lamely on the earth with footsteps slow; Hardly he can mould the life's rebellious stuff, Hardly can he hold the galloping hooves of sense: His thoughts look straight into the very heavens; They draw their gold from a celestial mine, His acts work painfully a common ore. All thy high dreams were made by Matter's mind

To solace its dull work in Matter's jail, Its only house where it alone seems true. A solid image of reality Carved out of being to prop the works of Time, Matter on the firm earth sits strong and sure. It is the first-born of created things, It stands the last when mind and life are slain, And if it ended all would cease to be. All else is only its outcome or its phase: Thy soul is a brief flower by the gardener Mind Created in thy matter's terrain plot; It perishes with the plant on which it grows,

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For from earth's sap it draws its heavenly hue: Thy thoughts are gleams that pass on Matter's verge, Thy life a lapsing wave on Matter's sea. A careful steward of Truth's limited means, Treasuring her founded facts from the squandering Power, It tethers mind to the tent-posts of sense, To a leaden grey routine clamps Life's caprice And ties all creatures with the cords of Law. A vessel of transmuting alchemies, A glue that sticks together mind and life, If Matter fails, all crumbling cracks and falls. All upon Matter stands as on a rock. Yet this security and guarantor Pressed for credentials an impostor proves: A cheat of substance where no substance is, An appearance and a symbol and a nought, Its forms have no original right to birth: Its aspect of a fixed stability Is the cover of a captive motion's swirl, An order of the steps of Energy's dance Whose footmarks leave for ever the same signs, A concrete face of unsubstantial Time, A trickle dotting the emptiness of Space: A stable-seeming movement without change, Yet change arrives and the last change is death. What seemed most real once, is Nihil's show. Its figures are snares that trap and prison the sense; The beginningless Void was its artificer: Nothing is there but aspects limned by Chance And seeming shapes of seeming Energy. All by Death's mercy breathe and live awhile, All think and act by the Inconscient's grace.

La sève de la terre lui donne sa couleur ; Tes pensées sont des lueurs au bord de la Matière Et ta vie n’est qu’une vague sur son océan. Intendante des ressources de la Vérité, Préservant ses faits établis du Pouvoir prodigue, Elle attache le mental aux piquets des sens, Rive à la routine le caprice de la Vie Et lie tous les êtres avec des cordes de Loi. Un vaisseau d’alchimies transmutatrices, Une glu qui assemble le mental et la vie, Si la Matière échoue, tout craque et s’écroule. Tout se tient sur la Matière comme sur un roc. Pourtant, cette sécurité, cette garante, Pressée pour ses références, se révèle un leurre : Une feinte de substance, là où il n’y a rien, Une apparence et un symbole et un zéro, Ses formes n’ont aucun droit réel à la naissance ; Son aspect de stabilité permanente Est le masque d’un tourbillon captif, Un ordre pour la danse de l’Energie Dont les pas laissent à jamais les mêmes signes, Une face concrète du Temps insubstantiel, Une suite de points dans le vide de l’Espace : Un mouvement qui semble stable, le changement Arrive pourtant, et le dernier est la mort. Ce qui sembla réel, n’est qu’un décor du Néant. Ses figures sont des pièges qui bernent le sens ; Le Vide sans commencement fut son artisan : Ce sont des aspects enluminés par le Hasard Et des formes simulées d’apparente Energie. Tous y respirent par la clémence de la Mort, Par la grâce de l’Inconscient pensent et agissent.

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Addict of the roseate luxury of thy thoughts, Turn not thy gaze within thyself to look At visions in the gleaming crystal, Mind, Close not thy lids to dream the forms of Gods. At last to open thy eyes consent and see The stuff of which thou and the world are made. Inconscient in the dumb inconscient Void Inexplicably a moving world sprang forth: Awhile secure, happily insensible, It could not rest content with its own truth. For something on its nescient breast was born Condemned to see and know, to feel and love, It watched its acts, imagined a soul within; It groped for truth and dreamed of Self and God. When all unconscious was, then all was well. I, Death, was king and kept my regal state, Designing my unwilled, unerring plan, Creating with a calm insentient heart. In my sovereign power of unreality Obliging nothingness to take a form, Infallibly my blind unthinking force Making by chance a fixity like fate's, By whim the formulas of Necessity, Founded on the hollow ground of the Inane The sure bizarrerie of Nature's scheme. I curved the vacant ether into Space; A huge expanding and contracting Breath Harboured the fires of the universe: I struck out the supreme original spark And spread its sparse ranked armies through the Inane, Manufactured the stars from the occult radiances, Marshalled the platoons of the invisible dance;

Envoûtée par la volupté de tes pensées, Ne tourne pas ton regard au-dedans de toi Sur des visions mentales cristallines, fermant Tes paupières pour songer aux formes des Dieux. Consens plutôt à ouvrir enfin tes yeux et voir Le matériau dont toi et le monde sont faits. Inconscient dans le Vide inconscient et inerte Inexplicablement surgit un monde animé : A l’abri quelque temps, heureusement insensible, Il ne put se contenter de sa vérité. Car quelque chose sur sa poitrine était né, Condamné à voir et savoir, sentir et aimer, Qui observa ses actes, imagina une âme, Chercha le vrai, rêva de Dieu et du Soi. Quand tout était inconscient, alors tout était bien. Moi, la Mort, j’étais roi et maintenais mon état, Concevant directement mon plan décisif, Créant calmement d’un coeur impassible. Par mon pouvoir souverain d’irréalité Obligeant le néant à prendre une forme, Infailliblement ma force aveugle a tissé Par hasard une fixité semblable au destin, Par caprice les modes de la Nécessité, Et établi, sur le terrain creux de l’Inane, La bizarrerie du schème sûr de la Nature. J’ai courbé l’éther pour aménager l’Espace ; Un Souffle énorme, se dilatant et se contractant, Alors abrita les feux de l’univers : J’ai frappé la suprême étincelle originelle Et répandu partout ses armées, fabriqué Les étoiles avec les radiances occultes, Disposé les troupes de la danse invisible,

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I formed earth's beauty out of atom and gas, And built from chemic plasm the living man. Then Thought came in and spoiled the harmonious world: Matter began to hope and think and feel, Tissue and nerve bore joy and agony. The inconscient cosmos strove to learn its task; An ignorant personal God was born in Mind And to understand invented reason's law, The impersonal Vast throbbed back to man's desire, A trouble rocked the great world's blind still heart And Nature lost her wide immortal calm. Thus came this warped incomprehensible scene Of souls emmeshed in life's delight and pain And Matter's sleep and Mind's mortality, Of beings in Nature's prison waiting death And consciousness left in seeking ignorance And evolution's slow arrested plan. This is the world in which thou mov'st, astray In the tangled pathways of the human mind, In the issueless circling of thy human life, Searching for thy soul and thinking God is here. But where is room for soul or place for God In the brute immensity of a machine? A transient Breath thou takest for thy soul, Born from a gas, a plasm, a sperm, a gene, A magnified image of man's mind for God, A shadow of thyself thrown upon Space. Interposed between the upper and nether Void, Thy consciousness reflects the world around In the distorting mirror of Ignorance

Formé la belle terre avec l’atome et le gaz, Et du protoplasme bâti l’homme vivant. Alors survint la Pensée qui abîma tout : La Matière commença d’espérer, la chair Et les nerfs éprouvèrent la joie et l’agonie. Le cosmos inconscient voulut apprendre sa tâche ; Puis naquit un Dieu personnel ignorant Qui, pour comprendre, inventa la raison et sa loi, Le battement du désir subjugua le Vaste, Un trouble secoua le cœur aveugle du monde Et la Nature perdit son grand calme immortel. Ainsi advint cette scène obscure et pervertie D’âmes piégées dans le plaisir et la douleur, Le sommeil de la Matière et la mortalité, D’êtres prisonniers de la Terre jusqu’à la mort Et de conscience abandonnée dans l’ignorance Et du lent plan suspendu de l’évolution. Ceci est le monde en lequel tu t’es égarée Dans les sentiers imbriqués du mental humain Et le circuit sans issue de ta vie humaine, Cherchant ton âme et croyant que Dieu est ici. Mais où est la place pour l’âme ou pour Dieu Dans l’immensité grossière d’une machine ? Tu prends pour ton âme un Souffle éphémère Né de gaz, de plasma, de sperme ou de gènes, Et pour Dieu une image magnifiée du mental, Une ombre de toi-même projetée sur l’Espace. Interposée entre deux Vides, d’en haut et d’en bas, Ta conscience reflète le monde environnant Dans le miroir déformant de l’Ignorance Ou cherche à saisir des étoiles imaginées. Ou, si quelque Vérité s’amuse avec la terre

Or upwards turns to catch imagined stars. Or if a half-Truth is playing with the earth

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Throwing its light on a dark shadowy ground, It touches only and leaves a luminous smudge. Immortality thou claimest for thy spirit, But immortality for imperfect man, A god who hurts himself at every step, Would be a cycle of eternal pain. Wisdom and love thou claimest as thy right; But knowledge in this world is error's mate, A brilliant procuress of Nescience, And human love a posturer on earth-stage Who imitates with verve a faery dance. An extract pressed from hard experience, Man's knowledge casked in the barrels of Memory Has the harsh savour of a mortal draught: A sweet secretion from the erotic glands Flattering and torturing the burning nerves Love is a honey and poison in the breast Drunk by it as the nectar of the gods. Earth's human wisdom is no great-browed power, And love no gleaming angel from the skies; If they aspire beyond earth's dullard air, Arriving sunwards with frail waxen wings, How high could reach that forced unnatural flight? But not on earth can divine wisdom reign And not on earth can divine love be found; Heaven-born, only in heaven can they live; Or else there too perhaps they are shining dreams. Nay, is not all thou art and doest a dream? Thy mind and life are tricks of Matter's force. If thy mind seems to thee a radiant sun, If thy life runs a swift and glorious stream, This is the illusion of thy mortal heart

Jetant sa lumière sur un sol obscurci, Elle n’y laisse qu’une tache plus claire. Tu réclames l’immortalité pour ton esprit, Mais l’immortalité pour l’homme imparfait, Un dieu qui se blesse lui-même à chaque pas, Serait un cycle de douleur éternelle. A la sagesse et l’amour tu réclames ton droit, Mais ici la connaissance est mariée à l’erreur, Une brillante pourvoyeuse de Nescience, Et l’amour un poseur sur la scène de la terre Qui imite avec verve une danse féerique. Un extrait pressé de la difficile expérience, Le savoir de l’homme dans les fûts de la Mémoire A l’âpre saveur d’un breuvage mortel : Une douce sécrétion des glandes érotiques Flattant et torturant les nerfs enflammés, L’amour est un miel et un poison dans la poitrine Qui le boit comme le nectar même des dieux. La sagesse humaine n’est pas un noble pouvoir Et l’amour n’est pas un ange venu des cieux ; S’ils aspirent par-delà l’air de la terre, Venant vers le soleil avec leurs ailes de cire, A quelle hauteur pourra monter ce vol forcé ? Ce n’est pas sur terre que peut régner la sagesse Ou que l’amour divin peut être trouvé ; Nés au ciel, ils ne peuvent vivre qu’au ciel ; Ou peut-être là aussi ne sont-ils que des songes. Tout ce que tu es et fais n’est-il pas un rêve ? Ton mental et ta vie sont des trucs de la Matière. Si ton mental te semble être un radieux soleil,

Si ta vie s’écoule en un fleuve glorieux, C’est l’illusion de ton cœur mortel ébloui

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Dazzled by a ray of happiness or light. Impotent to live by their own right divine, Convinced of their brilliant unreality,

Par un rayon de bonheur ou de lumière. Incapables de vivre de leur propre droit, Convaincus de leur brillante irréalité, Quand le terrain qui les soutient est retiré Ces enfants de la Matière succombent en elle ; Même la Matière s’évanouit dans l’Energie Et l’Energie est un mouvement de vieux Néant. Comment les teintes éthérées de l’Idéal Prendraient-elles sur le flou vermillon de la terre, Un rêve en un rêve doublement réalisé ? Comment le feu follet deviendra-t-il une étoile ? L’Idéal est une maladie de ton mental, Un délire de ton discours et de ta pensée, Etrange vin de beauté qui t’exalte et te trompe. Une noble fiction composée de tes désirs, Il doit partager ton humaine imperfection : Ses formes dans la Nature déçoivent le cœur, Et jamais il ne trouvera son aspect sublime Et jamais il ne pourra s’accomplir dans le Temps. O âme leurrée par la splendeur de tes pensées,

When their supporting ground is cut away, These children of Matter into Matter die. Even Matter vanishes into Energy's vague And Energy is a motion of old Nought. How shall the Ideal's unsubstantial hues Be painted stiff on earth's vermilion blur, A dream within a dream come doubly true? How shall the will-o'-the-wisp become a star? The Ideal is a malady of thy mind, A bright delirium of thy speech and thought, A strange wine of beauty lifting thee to false sight. A noble fiction of thy yearnings made, Thy human imperfection it must share: Its forms in Nature disappoint the heart, And never shall it find its heavenly shape And never can it be fulfilled in Time. O soul misled by the splendour of thy thoughts, O earthly creature with thy dream of heaven, Obey, resigned and still, the earthly law. Accept the brief light that falls upon thy days; Take what thou canst of Life's permitted joy; Submitting to the ordeal of fate's scourge Suffer what thou must of toil and grief and care. There shall approach silencing thy passionate heart My long calm night of everlasting sleep: There into the hush from which thou cam'st retire.”

O créature terrestre qui rêves de ciel, Obéis, résignée, à la loi de la terre. Accepte la clarté qui tombe sur tes jours,

Prend ce que tu peux de la joie qui t’est permise ; Acquiescant à l’épreuve et au fléau du destin, Endure ce qui t’échois de souci et de peine. Apaisant ton cœur passionné s’approchera Ma longue nuit tranquille de sommeil perpétuel : Là, dans le calme dont tu vins, tu retourneras. »

Fin du Chant Deux

End of Canto Two

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